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Alimentation et exercice: les applications ne sont pas pour tout le monde

durée 07h00
24 mai 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — Si elle peut se révéler bénéfique et utile pour certains, l'utilisation d'applications et de montres intelligentes pour mesurer l'apport alimentaire et le niveau d'activité physique n'est pas nécessairement pour tout le monde, prévient la première étude longitudinale réalisée sur le sujet.

Des chercheurs du Centre de recherche du CHUM ont ainsi décelé une corrélation entre le suivi de l'alimentation et de l'activité physique et des comportements compensatoires et des troubles de l'alimentation.

En d'autres mots, si l'utilisation de ces technologies peut aider certaines personnes à mieux s'alimenter et à bouger plus, elle peut aussi encourager chez d'autres des comportements néfastes pour leur santé.

À la base, l'utilisation des applications et des montres intelligentes peut paraître logique, a expliqué l'auteure de l'étude, la chercheuse Erin K. O’Loughlin du CRCHUM, puisque c'est en surveillant quelque chose qu'on peut suivre les progrès et voir si des ajustements sont nécessaires.

«Mais ce n'est peut-être pas applicable à tout le monde, a-t-elle ajouté. Ça dépend des raisons pourquoi tu veux suivre tes habitudes de vie comme ça, ou de tes comportements psychologiques avant d'utiliser des applications.

«Nos conclusions indiquent qu'il devrait y avoir une approche nuancée et un examen attentif des conséquences potentielles lors de la recommandation de ces technologies.»

Les chercheurs ont épluché des données provenant de 676 jeunes adultes, dans certains cas entre 2017 et 2020 et dans d'autres entre 2021 et 2022. Le tiers des participants ont révélé avoir suivi leur activité physique au cours de l'année précédente, 14 % leur alimentation et 10 % les deux.

Les auteurs de l'étude ont constaté que les gens qui se décrivaient comme étant en surpoids et ceux qui cherchaient à perdre du poids étaient plus susceptibles que les autres de surveiller leur alimentation et leur niveau d'activité physique.

Les sujets les plus susceptibles de surveiller leur alimentation étaient ceux qui disaient ressentir des émotions négatives en lien avec leur apparence corporelle, ainsi que les femmes.

L'hyperphagie était associée à un suivi de l'alimentation, et les comportements compensatoires après l'hyperphagie (comme les vomissements, le fait de rater un repas, l'exercice physique ou une consommation accrue de fruits et légumes) étaient associés aux deux formes de suivi.

De même, les participants à l'étude qui portaient déjà une grande attention à leur niveau d'activité physique étaient plus susceptibles que les autres d'utiliser la technologie pour le surveiller encore plus étroitement, pour s'assurer d'atteindre leurs cibles.

«Il y a des conséquences potentielles négatives, a prévenu Mme O'Louglin. Si quelqu'un signale des comportements compensatoires après avoir perçu avoir trop mangé (...), ce n'est peut-être pas à leur avantage d'utiliser une application comme ça, parce que ça augmente la concentration sur la nourriture.»

Et si jamais l'utilisateur a encore faim, mais que l'application estime qu'il a atteint son maximum de calories pour le moment, on pourrait éventuellement se retrouver aux prises avec des troubles alimentaires, a-t-elle ajouté.

Il importe donc de ne pas y aller de recommandations universelles quant à l'utilisation de ces technologies, a dit Mme O'Loughlin. Qu'il s'agisse de médecins, d'entraîneurs, d'enseignants ou même de parents, «notre étude dit que ce n'est pas le genre de chose qu'il faut recommander avant de vraiment connaître un individu», a dit Mme O'Loughlin.

«Il faut connaître le profil psychologique, a-t-elle précisé. Est-ce que la personne a déjà des problèmes dans sa relation avec la nourriture? Si quelqu'un veut perdre du poids et qu'ils ont des problèmes, donner une application comme ça peut exacerber des comportements psychologiques négatifs.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal scientifique Health Education & Behavior.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne