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« Le temps, c'est le cerveau »: un hôpital de Toronto ouvre la voie

durée 09h17
15 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

TORONTO — Une équipe de l'hôpital St. Michael de Toronto a réalisé avec succès dix angiographies cérébrales à l'aide d'un robot contrôlé à distance par un neurochirurgien, ouvrant ainsi la voie à la prise en charge des patients victimes d'un AVC.

Une angiographie cérébrale est une procédure diagnostique mini-invasive au cours de laquelle les médecins insèrent un cathéter dans l'artère fémorale au niveau de l'aine et le font remonter jusqu'au cerveau, puis injectent un produit de contraste qui permet à l'équipe médicale de voir tout problème dans des vaisseaux sanguins à l'aide d'une radiographie.

Le médecin se tient normalement à côté du patient et déplace manuellement le cathéter. Mais au cours de ce que l'hôpital qualifie de première mondiale, l'équipe a réalisé une série d'angiographies au cours desquelles le Dr Vitor Mendes Pereira, responsable du programme neurovasculaire de St. Michael, a utilisé un ordinateur pour contrôler à distance un robot afin de manœuvrer le cathéter à travers les vaisseaux sanguins du corps du patient jusqu'au cerveau.

La distance entre Pereira et le robot a augmenté progressivement tout au long des procédures, d'abord dans la salle la pièce, puis depuis une autre pièce de l'hôpital, et enfin depuis le Centre de santé St-Joseph, situé à environ six kilomètres. St. Michael et St-Joseph font tous deux partie du Unity Health Toronto.

Son ordinateur et le robot sont reliés par une connexion Internet à fibre optique « incroyablement rapide », a déclaré le Dr Pereira.

«Je n'ai vu aucune différence entre être ici dans cette salle (d'opération), dans le même bâtiment ou dans un autre hôpital en termes de visualisation et d'expérience chirurgicale», raconte-t-il.

La prochaine étape consistera à augmenter la distance entre le Dr Pereira et le robot à plus de 600 km, soit la distance entre Toronto et l'hôpital de Sault-Sainte-Marie, en Ontario.

Après avoir réalisé d'autres angiographies diagnostiques, l'équipe demandera à Santé Canada l'autorisation de lancer un essai clinique utilisant la technologie robotique pour effectuer des thrombectomies endovasculaires (TEV) sur des patients victimes d'un AVC, en utilisant une endoprothèse pour saisir et retirer le caillot sanguin dans le cerveau à l'origine de l'AVC.

À l'heure actuelle, personne n'est en mesure de pratiquer des TEV à l'hôpital de Sault-Sainte-Marie. Les patients victimes d'un AVC doivent donc être transportés vers le centre de soins spécialisé le plus proche, à Sudbury, en Ontario, ce qui prend entre une heure en ambulance aérienne Ornge et trois heures et demie par la route.

Dans de nombreux cas, le temps d'attente avant l'arrivée de l'ambulance aérienne à Sault Ste. Marie est considérable, a déclaré la Dr Laura Stone, directrice médicale du service des urgences de l'hôpital de Sault-Sainte-Marie.

Tout retard dans l'administration du traitement après un AVC se traduit par la mort de plus de neurones, ce qui signifie une invalidité plus importante, voire le décès, pour le patient.

«Le temps, c'est le cerveau, souligne la Dre Stone. Il est difficile de savoir qu'il existe une norme de soins et une excellente procédure que nous ne pouvons pas nécessairement offrir à nos patients ici. C'est l'un des défis liés au fait de travailler dans un endroit plus isolé.»

Mais si l'hôpital de Sault-Sainte-Marie dispose du robot, la TEV peut y être pratiquée, avec le Dr Pereira à son ordinateur à Toronto, guidant à distance le cathéter et l'endoprothèse dans le cerveau du patient pour retirer le caillot.

L'équipe de St. Michael, dirigée par Nicole Cancelliere, responsable du programme de recherche et technologue, formera les technologues et autres membres du personnel de l'hôpital de de Sault-Sainte-Marie à la mise en place du robot et à l'insertion du cathéter.

Le Dr Michael Kutryk, cardiologue interventionnel et chercheur à l'hôpital St. Michael et chef du service de cardiologie à l'hôpital de Sault-Sainte-Marie, a contribué à établir le partenariat entre les deux centres de soins de santé.

« Cela fera la différence entre une personne paralysée et dysarthrique – incapable de parler – et une personne qui sortira de l'hôpital deux ou trois jours plus tard », a-t-il déclaré.

Le Dr Kutryk estime que les TEV assistées par robot pourraient être opérationnelles à l'hôpital e Sault-Sainte-Marie à la fin de l'année prochaine ou au début de 2027.

« C'est une tâche idéale pour un robot, car il est très sûr entre les mains d'un humain, il y a très peu de risques que les choses tournent mal, et il en va de même avec le robot si vous le contrôlez correctement», soutient-il.

L'un des principaux risques est la perturbation de la connexion Internet entre le robot et le chirurgien, a déclaré le Dr Pereira, mais la connexion est rigoureusement testée et il est prévu de toujours disposer d'une connexion de secours.

En cas de retard dans la réponse du robot à ses manœuvres, l'intervention pourrait être interrompue et l'équipe de l'hôpital reviendrait à ses soins habituels en cas d'AVC, ce qui pourrait inclure le transport du patient.

Le Dr Kutryk avance qu'il ne serait pas pratique pour l'hôpital de Sault-Sainte-Marie de recruter un spécialiste neurovasculaire afin de réaliser des TEV en personne, car seuls 12 à 15 patients environ ont besoin de cette procédure chaque année.

Mais pour ces patients, la technologie robotique sera «révolutionnaire», juge la Dre Stone.

«Nous accélérons la prise en charge de ces patients qui bénéficient de cette intervention vitale.»

Bien que de Sault-Sainte-Marie ait été choisie comme hôpital partenaire pour ce projet, l'équipe de St. Michael espère que ses recherches cliniques sur cette technologie aideront les patients d'autres régions éloignées.

«Cela fait peut-être un peu penser à Star Wars, mais je pense que cela va très bientôt devenir une réalité dans les hôpitaux du monde entier», a dit le Dr Kutryk.

Le robot utilisé pour les angiographies cérébrales a été développé par Remedy Robotics, une entreprise privée de San Francisco spécialisée dans les interventions cardiovasculaires.

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La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Nicole Ireland, La Presse Canadienne

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