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Réforme du mode de scrutin: «n'abusez pas la population», dit Charbonneau à Legault

durée 10h30
22 janvier 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

QUÉBEC — Les rencontres du premier ministre François Legault avec les chefs des partis d'opposition ne sont qu'un écran de fumée: le Québec est une «autocratie douce» sans une réforme du mode de scrutin. 

C'est ce que soutient le Mouvement Démocratie nouvelle (MDN), qui milite depuis plusieurs années pour une réforme du système électoral uninominal à un tour. 

Dans une entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, le président du MDN, Jean-Pierre Charbonneau, a commenté la série d'entretiens du chef caquiste avec ses homologues des autres partis cette semaine.

«Cela ne peut pas être une solution de remplacement, un pis-aller» en lieu et place d'une réforme du mode de scrutin», a déclaré M. Charbonneau, lui-même ancien ministre du Parti québécois (PQ) et ancien président de l'Assemblée nationale de 1996 à 2002. 

«Je dis au premier ministre: n'abusez pas la population, n'abusez pas les partis d'opposition, avec votre attitude», a-t-il poursuivi, en soutenant que M. Legault tente ainsi de faire oublier son engagement pris en 2018 de réformer le mode de scrutin actuel, pour y ajouter une composante de représentation proportionnelle en fonction du pourcentage des votes obtenus. 

Ce système entraîne des distorsions qui s'accentuent du moment où on passe du bipartisme traditionnel hérité du régime parlementaire britannique au multipartisme qu'on retrouve actuellement sur l'échiquier politique québécois.

Avec 41 % des votes aux élections d'octobre dernier, la CAQ a récolté 72 % des sièges, soit 90 sur 125, une distorsion électorale que dénoncent à la fois le MDN mais aussi les autres partis favorables à une réforme, soit le Parti québécois (PQ) et Québec solidaire (QS). 

«Cette affaire est choquante», s'est indigné M. Charbonneau. 

«L'autocratie douce, ce n'est pas ça qu'on veut au Québec, on veut une véritable démocratie représentative, pas une autocratie tranquille.»

Ainsi, selon lui, la concentration des pouvoirs aux mains du premier ministre s'avère être même pire qu'à Ottawa ou au Parlement de Westminster à Londres, dont notre modèle est issu. 

«On est dans une espèce de dérive (...). C'est vraiment une monarchie élective. Alors ça fonctionne autour du premier ministre de façon un peu démesurée.»

À son avis, François Legault se trouve lui-même à «faire la démonstration  que ça ne tient pas la route», en ayant rencontré le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime, qui n'a pourtant aucun siège en Chambre, même s'il a recueilli pas moins de 530 000 voix.

«C'est quelque chose de complètement tordu», a affirmé le président du MDN. M. Duhaime devrait avoir un bureau au Parlement et c'est au Parlement que devraient avoir lieu les discussions d'un chef de gouvernement avec ses vis-à-vis des oppositions, dans un système politique normal. 

M. Charbonneau exige de la «cohérence»: si on est prêt à écouter les partis d'opposition, il faut être prêt aussi à écouter leur revendication en faveur d'une réforme du mode de scrutin.

En ce début de mandat, il assure qu'il n'est pas trop tard pour déposer un projet de loi et mettre en place une réforme du mode de scrutin en vue des élections de 2026.

Rappelons que François Legault s'était engagé, quand il était dans l'opposition, à déposer un projet de loi pour réformer le mode de scrutin s'il prenait le pouvoir. 

C'est ce qu'il a fait. Son gouvernement a déposé le projet de loi 39, mais ne l'a pas adopté et l'a laissé mourir au feuilleton. 

En campagne électorale, le chef caquiste a dit que personne ne se battait dans les autobus pour la réforme du scrutin, laissant entendre qu'il s'agissait d'une lubie d'intellectuels.  

«Les gens ne se battent pas dans les autobus, quel que soit l'enjeu», a répliqué M. Charbonneau.

«Il n'y a pas pas grand-chose pour lequel on se bat dans les autobus, mais ça ne veut pas dire que les gens n'ont pas des convictions et des opinions», conclut-il en faisant référence aux sondages qui suggèrent un appui populaire en faveur d'une réforme. 

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne