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L'antiféministe Jean-Claude Rochefort s'en va en prison pour un an ferme

durée 17h10
27 janvier 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

MONTRÉAL — C’est derrière les barreaux que le blogueur antiféministe Jean-Claude Rochefort ira ruminer sa haine envers les femmes, lui qui ne semble avoir aucun remords ou prise de conscience face au crime qu’il a commis.

L’homme de 74 ans, qui avait été reconnu coupable d’avoir volontairement fomenté la haine envers les femmes en août dernier, a été condamné vendredi à Montréal à un an ferme de prison. Le juge Pierre Labrie a ainsi endossé la suggestion de la Couronne, rejetant du même coup la peine de neuf mois de détention à domicile que réclamait la défense.

Sur son blogue, Rochefort glorifiait l’auteur du féminicide de masse, qui avait fait 14 victimes à Polytechnique en décembre 1989, l’érigeant en héros et même en saint. 

Le blogueur faisait référence à répétition au tueur dans un blogue qui était suivi par des milliers de masculinistes associés à la mouvance incel, une contraction des mots anglais involuntary et celibates ou, en français, «célibataires involontaires», qui fait référence à l’incapacité de ces hommes d’avoir une relation amoureuse.

Les propos de Rochefort étaient systématiquement haineux envers les femmes et les féministes et devant l’absence complète de remords, le juge lui a imposé cette peine d’un an de prison ferme, pour une infraction qui est passible d’un maximum de deux ans d’emprisonnement.

Pris au sérieux par le juge

Satisfait, le procureur de la Couronne, Jérôme Laflamme, y voyait un caractère exemplaire à la sortie de l’audience: «Il s'agit d'une infraction punissable par un maximum de deux ans de prison et monsieur reçu douze mois. Donc c'est une peine qui est importante, à la hauteur de la gravité du contenu, des publications qui avaient été faites et de la haine que ce contenu générait à l'endroit des femmes.»

Le juriste s’est particulièrement réjoui de voir cette condamnation s’inscrire dans une tendance de punir plus sévèrement les crimes contre les femmes: «C’est une infraction qui est insidieuse. C’est une infraction de violence à l'endroit de femmes (et voilà) encore un exemple de violence à l'endroit de à l'endroit des femmes qui a été pris au sérieux par le juge et le tribunal.»

Bien que 15 jours soient déjà effacés de l’ardoise en raison de la période de détention entre son arrestation et sa remise en liberté provisoire avant le procès, Jean-Claude Rochefort sera aussi en probation pour une période de trois ans suivant sa remise en liberté. Durant cette période, il lui sera interdit de posséder des armes, d'écrire sur internet en lien avec les contenus pour lesquels il a été condamné et il ne pourra s'approcher de l'Université de Montréal et de l'Université du Québec à Montréal.

Le juge Labrie ne s’est guère fait d’illusions sur une éventuelle épiphanie de blogueur, jugeant le risque de récidive élevé. En entrevue au réseau TVA dans les corridors du palais de justice avant le prononcé de sa peine, Jean-Claude Rochefort s’est tour à tour qualifié de «victime», «prophète», «martyr» et «grand persécuté» de l’État québécois. Il a dit être une personne qui ne faisait qu’exprimer des «opinions philosophiques» qui n’a aucune responsabilité dans la tuerie de Polytechnique puisqu’il n’a «pas tué personne».

Moins chanceux cette fois

Jean-Claude Rochefort était connu depuis très longtemps pour ses propos haineux, qu’il n’a jamais cessé de publier en ligne. En 2009, il avait été arrêté et accusé d’incitation publique à la haine quelques jours avant la commémoration du 20e anniversaire du féminicide de masse, mais avait réussi à s’en tirer sur un point de détail: la notion de «groupe identifiable» liée à l’infraction telle que formulée dans le Code criminel à l’époque n’incluait pas le motif de distinction basée sur le sexe, mais bien ceux de «la couleur, la race, la religion, l’origine ethnique ou l’orientation sexuelle».

La Cour avait donc dû conclure en 2010 que les femmes ne constituaient pas un groupe protégé explicitement par l’article de loi en question et, donc, que les accusations devaient être écartées. Le droit a toutefois évolué depuis ce temps — en partie à cause de M. Rochefort — et la notion de groupe identifiable s’est considérablement élargie pour inclure également l’origine nationale, l’âge, l’identité ou l’expression de genre, la déficience mentale ou physique et le sexe. En d’autres termes, le vide juridique par lequel Rochefort s’était soustrait à la justice il y a 12 ans, n’existe plus.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne