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Les juges en chef de la Nouvelle-Écosse défendent l'interdiction du coquelicot

durée 17h34
9 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Par La Presse Canadienne, 2025

HALIFAX — Les juges en chef des cours suprême et provinciale de la Nouvelle-Écosse ont exprimé leur appui aux juges qui interdisent au personnel judiciaire d'épingler un coquelicot à leur robe pendant les audiences, à la suite des critiques formulées par certains politiciens canadiens à l'encontre de cette pratique.

Deborah Smith, juge en chef de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, et Perry Borden, juge en chef de la Cour provinciale, affirment que cette interdiction relève du pouvoir discrétionnaire des juges et que le Conseil canadien de la magistrature, qui supervise tous les juges fédéraux, la recommande afin de garantir l'impartialité des tribunaux.

«Le port du coquelicot symbolise notre respect pour ceux qui ont servi et ceux qui ne sont pas revenus. La décision d’un juge de ne pas autoriser le port de symboles de soutien, comme le coquelicot, par le personnel du tribunal n’a aucunement pour but de saper ou de diminuer le profond respect que nous avons pour ceux qui ont servi et ceux qui sont morts au combat. Elle vise à garantir que tous les Canadiens et Canadiennes sachent qu’ils pénètrent dans un espace impartial et neutre lorsqu’ils entrent dans une salle d’audience», ont-ils déclaré dans un communiqué publié dimanche.

Les juges ont donné l’exemple d’une personne non-vétérane accusée d’agression contre un vétéran entrant dans une salle d’audience où le personnel porte des coquelicots, suggérant que cela pourrait amener l’accusé à douter de la neutralité du processus.

«C’est pour cette raison que le Conseil canadien de la magistrature stipule, dans ses principes déontologiques, que les juges doivent éviter toute déclaration ou tout symbole visible de soutien, particulièrement dans le contexte des procédures judiciaires», ont souligné les chefs.

La déclaration commune de Mme Smith et M. Borden fait suite aux propos du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, qui a dit sur les médias sociaux avoir récemment appris que certains membres du personnel des salles d’audience avaient reçu l’ordre de ne pas porter le coquelicot. Il a qualifié cette consigne de «scandaleuse».

«Nous avons des tribunaux et une démocratie grâce au courage de celles et ceux qui ont été prêts à faire le sacrifice ultime pour défendre les droits et libertés dont nous jouissons. Les juges qui ont émis cette ordonnance se trompent», a-t-il déclaré.

M. Houston a indiqué qu'il pourrait déposer un projet de loi consacrant le droit de porter un coquelicot au travail.

Dans une déclaration transmise à La Presse Canadienne, le porte-parole des tribunaux de la Nouvelle-Écosse, Andrew Preeper, a affirmé qu'il était impossible de divulguer les détails concernant le palais de justice et le juge auxquels M. Houston faisait référence. Il a toutefois précisé qu'aucun membre du personnel judiciaire n'avait reçu d'ordre lui interdisant de porter un coquelicot.

«Les employés qui souhaitaient porter un coquelicot dans la salle d'audience ont été invités à en discuter avec le juge qui préside, et des conversations ont eu lieu, au besoin, sur ce sujet précis», a rapporté M. Preeper.

«Il est important de noter que le public est invité à porter un coquelicot au palais de justice et dans la salle d'audience. La position des tribunaux sur cette question n'est pas propre à la Nouvelle-Écosse», a-t-il précisé.

Kenny «consterné et révolté»

L'ancien premier ministre de l'Alberta Jason Kenney, a également qualifié cette pratique de «répugnante» samedi, en réaction à la publication de M. Houston sur les réseaux sociaux.

«Je suis tout aussi consterné et révolté par la politisation du coquelicot. Le devoir de mémoire est apolitique. C'est l'un des liens qui nous unissent au sein de notre communauté et qui, à travers le temps, nous relient aux générations précédentes», a-t-il soutenu.

Le port du coquelicot dans les tribunaux a également créé une polémique en Saskatchewan la semaine dernière, lorsque Radio-Canada a rapporté qu'une procureure de Saskatoon avait déclaré avoir porté un coquelicot au début d'un procès devant la Cour du Banc du Roi, mais qu'on lui avait indiqué par courriel qu'elle n'y était pas autorisée.

En 2023, la Saskatchewan a adopté la Loi sur la commémoration du jour du Souvenir, qui vise à garantir aux travailleurs relevant de la réglementation provinciale le droit de porter le coquelicot reconnu par la Légion royale canadienne sur leur lieu de travail, du 1er au 11 novembre. Le gouvernement avait alors indiqué que des exceptions seraient faites si le port du coquelicot présentait un danger pour la santé, la sécurité ou le bien-être du travailleur ou d'autrui.

«Bien que la Cour du Banc du Roi ait compétence pour déterminer la tenue vestimentaire appropriée, notre gouvernement estime que le port du coquelicot témoigne du respect envers nos militaires qui ont défendu les libertés et le système de gouvernement de notre pays et qui continuent de le faire aujourd'hui. Les gens devraient donc être autorisés à le porter dans la salle d'audience», a déclaré le premier ministre Scott Moe dans une publication sur les médias sociaux vendredi dernier.

Lors de la campagne électorale provinciale de l'année dernière, M. Moe s'était dit ouvert à l'élargissement de la loi afin d'y inclure le port de vêtements orange le 30 septembre en hommage aux survivants des pensionnats autochtones.

La promesse de M. Moe faisait suite aux révélations du Conseil tribal de Meadow Lake, qui représente neuf Premières Nations, selon lesquelles deux femmes des Premières Nations s'étaient vu demander de rentrer chez elles en 2024, alors qu'elles travaillaient dans un palais de justice au nord-ouest de Saskatoon, de changer leurs vêtements orange, portés lors de la Journée nationale de vérité et de réconciliation.

Dimanche, Mme Smith et M. Borden ont dit qu’ils comprenaient que la question des symboles dans les palais de justice était très délicate.

«Il arrive cependant qu'un juge en chef doive prendre la parole. C'est le cas aujourd'hui.»

Emily Baron Cadloff, La Presse Canadienne