À l’instar de J’aime Hydro, c’est dans l’univers de l’industrie laitière que le documentaire théâtral Run de lait plongera le spectateur le vendredi 22 mars prochain dès 20h à la salle Pauline-Julien. Entrevue avec Justin Laramée qui est au centre de cette production complexe et fascinante.

À l’autre bout du fil, celui qui a eu l’idée originale derrière Run de lait, en plus de l’écrire et de l’interpréter, explique la genèse de ce projet inattendu. « J’ai participé à un Festival de théâtre à Montréal en 2016 où le concept consistait à jumeler un artiste à un intervenant du milieu scientifique pour trouver une solution à un problème, mais en sortant des sentiers battus. J’étais jumelé avec Ginette Lafleur et le sujet était le taux de suicide élevé chez les producteurs laitiers. On a donc créé une installation pour sensibiliser les agriculteurs et le public sur cette problématique lors des journées portes ouvertes dans les fermes du Québec qui se tiennent annuellement à l’automne. »

À l’époque, tout était loin d’être rose dans l’industrie laitière, notamment avec l’élection de Donald Trump qui a entraîné une instabilité dans la gestion de l’offre. De plus, le guide alimentaire canadien évoquait la possibilité de retirer les produits laitiers de la liste des éléments essentiels à consommer pour avoir une alimentaire saine.

« Ce contexte m’a poussé à proposer un spectacle au Théâtre Trident à Québec sur le sujet la même année. Puis, ça m’a pris six ans avant de mettre sur pied Run de lait, basé sur une enquête menée sur l’ensemble du territoire provincial. L’analyse répondait à la question : pourquoi le Québec a-t-il perdu autant de fermes laitières au cours des 20 dernières années? Il a fallu des années pour bien étudier le sujet. »

Traiter un sujet sérieux par l’humour

Si l’humour est partie prenante du spectacle, il ne faut pas croire que le sujet n’est pas sérieux pour autant. Pour donner vie à ce projet, Justin Laramée a parlé à plusieurs experts, dont des producteurs et transformateurs laitiers.

« Leurs témoignages seront relatés dans le spectacle. Je reviens aussi sur 8 000 ans d’histoire du lait, en passant par l’industrialisation des fermes, les responsabilités des consommateurs, le bien-être animal et l’environnement. Avec humour, je partage beaucoup de données liées à la détresse psychologique des producteurs laitiers, mais aussi celle des consommateurs via une trentaine de personnages auxquels je donne vie au fil de ma run de lait », image-t-il.

Le musicien Ben Côté signe le volet musical du spectacle alors qu’Olivier Normand a appuyé Justin Laramée dans sa mise en scène.

Quel a été le défi le plus important auquel il a fait face? « Le sujet est complexe et il implique de vraies personnes qui ont témoigné de faits vécus. Leurs témoignages sont troublants alors je veux bien les livrer afin d’honorer leur participation au spectacle. C’est stimulant d’interpréter tous les personnages de la pièce qui en est à sa 80e représentation à ce jour, ce qui est rare au Québec. Je me rappelle toutes mes rencontres avec les gens qui ont témoigné de leur histoire. Je ne peux pas tomber dans la facilité », confie-t-il.

Un spectacle pour toute la famille?

Même si Run de lait met en scène un texte accessible et profondément humain, le spectacle ne s’adresse pas à tous les membres de la famille. « Le sujet peut être sensible pour de jeunes enfants ou adolescents. Sinon, toutes les personnes qui s’intéressent à l’histoire de l’agriculture sont les bienvenues. Un peu comme le spectacle J’aime Hydro, Run de lait, rassemble les gens autour d’une question importante au Québec tout en partageant avec les spectateurs des pistes de réflexions pertinentes pour le présent et le futur. Saviez-vous que le Québec produit 50% du lait au Canada? Pourtant on continue de perdre des fermes à vitesse grand V au Québec. Est-ce que cette tendance est freinable? C’est aussi un des sujets exposés dans le spectacle », affirme-t-il.

Quelle est la réaction des gens face au spectacle? « Elle est vraiment bonne autant en milieu urbain qu’en milieu rural. Plusieurs sont heureux qu’on aborde ce sujet trop souvent passé sous silence. On est contents de ne pas avoir reçu de poursuites judiciaires à la suite de la diffusion du spectacle. On y expose des situations sidérantes, mais nécessaires et appuyées par des recherches exhaustives. Personnellement, ma participation au spectacle m’a fait réaliser que je n’achèterai plus jamais les produits d’une des trois entreprises de transformation laitière du Québec, soit Saputo, Parmalat et Agropur. Le spectacle pourrait faire changer des habitudes de consommation chez certains spectateurs », conclut-il.

Dans la même veine, M. Laramée travaille aussi sur Temps de cochon qui mettra en lumière l’industrie porcine, grandement touchée elle aussi, par une vague de suicides des producteurs.

Mais avant de se consacrer entièrement à ce deuxième opus, M. Laramée terminera la tournée de Run de lait. Pour le voir sur la scène de la salle Pauline-Julien, il faut se procurer des billets au coût de 48 $ chacun. On peut s’en procurer via ce lien.